Encore dans la m... [Thomas - Cherry]

Je savais que je n'aurais jamais dû aller au cimetière. Je le regrettai infiniment, maintenant, d'autant plus que Peter, un homme douteux qui connaissait bien Tom, m'avait interceptée quand je sortais du lieu funeste.

Je ne savais pas ce qui m'effrayait le plus entre le fait qu'il balance tout à Tom ou qu'il appelle son « gang », comme il disait si bien, pour m'administrer une bonne dose d'injures et de coups. Gang ou pas, j'aurais droit à des bleus et des hématomes.

Sa main serrait fort mon poignet, trop fort - tellement que ma main en était devenue blanche comme le marbre -, et il riait d'un de ses rires malsains à la con. De plus, il empestait l'alcool. Ma gorge se noua. Je risquai de me prendre une raclée encore pire...

Il me lâcha d'un geste brutal et je m'écrasai contre un mur.

- Tu vas déguster, Chérie-Silence, m'annonça-t-il, l'air content de sa tirade.

Je le regardai comme un condamné attend sa sentence. Je ne pleurais pas, ça ne servait plus à rien. J'attendis et fermai les yeux. Une première claque s'abattit sur ma joue et elle en était d'autant plus douloureuse que j'avais déjà un énorme bleu à cet endroit.

Un énorme bruit sec déchire la quiétude de l'entrepôt, alors que je termine l'inventaire. Je me redresse, laissant tomber un sac poudreux par terre. Qui a ramené sa sale besogne ici ? C'est dans le bâtiment principal qu'il faut régler les comptes, non ?

Curieusement, la victime ne crie pas. Aucun son sauf une respiration haletante, et les claquements violents contre une peau.

Je soupire, pour la énième fois de la journée. D'un pas las, je me dirige vers la source du bruit.

Je reste sans voix devant la scène qui se déroule devant moi. Et dans un élan d'adrénaline, je saisi la main du gars qui la frappe. Toute ma haine se dirige dans mon regard, que je plonge dans ses yeux. T'aurais jamais dû faire ça mon vieux.

D'un coup de poing, je l'envoie valser un peu plus loin. Et je sors un poignard de ma poche. Qu'il essait de me frapper, une seule fois.

Il s'éloigne, le nez ensanglanté. Il est sûrement trop bourré pour se battre. Il finit par sortir, et toute ma haine s'éteind quand je pose les yeux sur elle.

Cherry, c'est bien ça ?

Je range mon arme blanche, et lui tend la main.Dans la force des coups elle est tombé au sol. Si je ne me serais pas retenu...Il serait déjà mort.

Frapper une femme. Quoi de plus dégueulasse que ça? Je dois endurer ça à journée longue, mais là j'en ai été incapable. Pas la femme de crystal. Pas cette fleur si fragile, au regard térorisé. Maintenant je comprends sa peur. Enfin, à moitié.

-Rien de cassé?

Brusquement, les coups s'arrêtèrent. Des coups, mais pas contre moi cette fois-ci. Un homme qui court, d'autres pas qui arrivent avec précipitation. Ce ne devait pas être Tom, car il n'aurait pas frappé ainsi Peter.

Une voix s'éleva, charmeuse, veloutée et rassurante. Je la reconnaissais. Je me risquai à écarter les doigts qui cachaient et protégeaient mon visage, pour m'assurer que Peter est bien parti. Je jetai un coup d'œil aux alentours et un soulagement immense m'engourdit quand je vis que mon bourreau était parti. Mon regard se posa alors sur l'homme... Thomas. Je l'observai, de bas en haut et découvris son sourire apaisant. Je plongeai dans ses yeux un regard empli de reconnaissance.

La question qu'il m'avait posée ne percuta mon esprit que maintenant.

- Oh... non. Je ne pense pas, pleurai-je doucement en examinant tout ce qu'il m'était capable de voir.

Le pire devait être mon visage... Mon nez saignait et le goût du sang - que je connaissais un peu trop bien - eut vite de se répandre dans ma bouche. Je cachai une moue de dégoût.

Thomas s'approcha. Je pense qu'il venait de voir que j'avais fondu en larmes.

- Merci... Merci, hoquetai-je.

Des larmes sanglantes s'écrasent contre le sol, des perles salées innondent ses joues. Il ne te fera plus rien, ce mec. Je te le jure. Il n'en fera plus à personne en fait. J'approche doucement ma main, touchant du bout des doigts son nez. Son os est déplacer. Ce bâtard lui a cassé le nez...

- Tu as le nez cassé...Tu veux que je le replace ou que l'hôpital le fasse à ma place?

Ça ne serait pas la première fois que je guéris ce genre de blessure mineure...MAis elle veut peut-être pas que je lui touche plus qu'il ne le faut.

- Je suis désolée... que tu aies vu ça , murmurai-je, penaude.

Je retins un gémissement de douleur quand il toucha mon nez et grimaçai quand le verdict tomba. Je me consolai en me disant qu'il aurait pu me casser bien plus...

- Tu peux, pour mon nez...

De toutes façons, j'aurais jamais eu assez de fric pour aller à l'hôpital. Ça ne devait peut-être pas coûter chez mais je n'avais pas d'argent. Juste celui de Tom et franchement je doutais qu'il se soucie que j'ai le nez cassé ou non... Pourquoi payer l'hôpital pour sa silencieuse, quand on peut s'acheter une bière ?

Thomas approcha lentement ses mains mâtes de mon nez. Je me mordis les lèvres.

Je tâte l'os, cherchant le point de cassure. Je ne tarde pas à le trouver et ferme les yeux.

-À trois, prends une grande respiration. Un. Deux. Trois.

Je l'entends prendre une grande inspiration, et d'un mouvement rapide , je replace son nez. Le craquement fut sonore, et je dois me mordre la lèvre pour ne pas fondre en larme. J'imagine la douleur qu'elle doit ressentir. Pauvre fragile...

Mon calme recouvré, j'ouvre les yeux lentement. L'hémoragie a cessé, mais des perles de lumières roulent toujours sur ses joues.

Je me lève, et me tourne vers une étagère. Je saisi une petite pillule blanche, des antidouleurs et retourne auprès d'elle.

-Avale ça. Tu sentiras plus rien pendant un bon moment.

Elle prend la pillule, hésitante. Ne t'inquiètes plus, petite fleur. Je veillerai sur toi.

J'eus l'impression que le craquement rebutant de mon nez se répétait deux milles fois dans ma tête... Je déglutis. Bien plus de peur que de mal, en fait. Quand il me tendit la pilule, je restai interdite. Je finis par la soupeser, la tourner dans tous les sens, cherchant ce qui m'indiquerait ce qu'il y avait réellement dedans.

Après réflexion, c'était stupide de réfléchir. C'est vrai... Pourquoi aurait-il fait tout ce qu'il a fait pour moi pour ensuite me droguer ? Suspicieuse, je me décidai tout de même à avaler la pilule.

- Je vais t'attirer des problèmes, dis-je en guise de remerciements, d'une petite voix glacée.

Je n'osais imaginer quelle serait la réaction qu'aurait mon "mari" - ou presque - s'il apprenait tout ça. Il fallait qu'il n'en sache rien, ou Thomas comme moi serions fourrés dans un putain de pétrin. Surtout lui, et ça, je ne l'aurais souhaité pour rien au monde.

J'attrapai mon sac à main qui était à côté de moi et en sortis un paquet de mouchoirs. J'en avais toujours un, pour ce genre de situations, par exemple... J'essuyai mes larmes, puis mon nez et le sang qui en découlait me donna la nausée.

-J'suis assez grand pour m'en attirer tout seul!

J'esquisse un sourire, et me laisse choir contre le mur à côté d'elle. Je ramène mes genous contre mon torse, et pose ma tête sur le sommet de ceux-ci. Je l'observe, pendant des minutes qui s'égrainent très lentement. Par moment, je la vois lutter contre le sommeil artificiel. Par d'autres, carrément fixé le vide avec des yeux vitreux. Ce qui est sûr, c'est qu'elle a à peine conscience de ce qui se passe. Du mal. De la douleur intérieur.

Pauvre fleur. Je ne cesserai jamais de le répéter.

Je me lève, et me penche vers elle. Doucement, je passe un bras sous ses cuisses, et l'autre dans son dos. Je la soulève, aussi facilement qu'on pèse une plume. Je me dirige vers le bâtiment principal où une chambre m'est assigné. Le lit est un peu dur, mais elle sera mieux là qu'adossé contre un mur.

Je n'avais plus mal, à présent. Je me sentais faiblir, dans un état presque comateux, puis soulevée et assise sur quelque chose de confortable, bien plus que tout à l'heure. Je clignai des yeux et regardai tout autour de moi, comme une bête traquée. Son regard sombre me transperça tout entière. Je pris conscience aussi que nous étions dans un endroit différent. Une chambre... peut-être la sienne ? Je me raidis et m'efforçai de faire taire une petite voix qui me disait que, dans une chambre, beaucoup de choses pouvaient se passer...

Comme tirée d'un rêve, je fronçai les sourcils et secouai la tête pour chasser ces idées effrayantes... Non. Je suis sûre que Thomas n'était pas comme ça. Mon attention revint alors à lui, qui m'offrait si généreusement son aide, son sourire et son soutien.

- Thomas ? demandai-je soudainement et son regard qui était jusque là perdu dans le vague saisit le mien avec rapidité. Je peux te poser une... question ?

Je faisais d'énormes progrès. C'était surtout parce qu'un climat de mi-confiance commençait à s'établir. J'avais moins peur, désormais.

Je la regarde, plantant mon regard dans le sien. Elle avait une sorte de vide dans ses iris. Mais peu importe. Évidemment, en entendant sa voix, je ne pus que sourire.

-Bien sûr, petite fleur, tout ce que tu veux...

Attendant sa question, je la débarasse de ses chaussures et de son t-shirt empli de sang. J'enlève mon t-shirt à moi, et lui mets. Elle se laisse faire, comme un pantin. Pathétique. Mais tellement...triste.

Je saisi une couverture, que je remonte jusqu'à sa poitrine. Sa voix douce se fait de nouveau entendre...

Je ne pouvais que me laisser faire devant tant d'attention. C'était gênant qu'il s'occupe ainsi de moi mais tellement... gentil. Sa réponse m'étonna. Ou plutôt le « petite fleur » m'étonna. Ça me fit sourire. Je ne savais pas s'il était bien ou mal qu'il décide de m'appeler de la sorte, si un sous-entendu douteux était caché derrière ce surnom affectif ou non ; quoi qu'il en fût, ce surnom me plu.

J'en oubliai presque ce que je lui avais demandé quelques secondes auparavant. Je remontai mes jambes contre moi, posai ma tête sur la couverture qui les recouvrait et le regardai. La question fusa, tel un éclair.

- Pourquoi est-ce que tu fais tout ça pour moi ?

Je ne suis pas étonné de sa réponse. Elle est même normale. Ses yeux papillonent doucement, alors que j'inspire grandement. Pour la première fois, je la sens..paisible. Et rien ne me fait plus plaisir.

-Parce que t'en a besoin. Et que j'essaie de préserver les vies qui en valent le coup. Pas comme la mienne. Mais comme toi et Hope...Enfin bref. Je ne veux p;as que tu deviennes comme moi. Il y en a déjà trop de ma race...

Hope ? Une personne chère à ses yeux, à en croire le ton doux et à la fois meurtri qu'il avait employé en prononçant ce prénom. « Espoir ». C'est un joli prénom. Nettement plus joli que « Cerise », dans tous les cas.

- Des gens de ta race... Des gens gentils ? Ou des dealers ? risquai-je.

Personnellement, les vendeurs de merde j'en connaissais plein mais les gentils, aucun... À part lui. Sauf que lui était les deux : un dealer gentil. Du moins, pour ce que j'en avais vu. Il paru étonné que j'ai découvert ce qui devait arrondir ses fins de mois... Ce n'était pas sorcier. Pourquoi un jeune trainerait par ici, autrement ? Et avec des calmants, qui plus est.

Dealer...Si je n'étais que ça. Non. Je suis un voleur. Un tueur. Quelqu'un de malsain.Un soupire m'échappe. Trop de question d'un coup. Je ne veux pas qu'elle sache.

-Dors, il vaut mieux. Ne t'inquiètes pas. Plus personne ne te fera mal..

Sinon, il ira assez vite dans la tombe. Je protégerai cette fille de crystal coûte que coûte. J'en fais un devoir.

Je la vois cessé de lutter contre les calmants. Ses yeux se ferment. Sa respiration se régularise. Je sens même d'ici son coeur battre plus lentement. Le sommeil doit l'emprisonner. Bonne nuit, petite fleur..

Je ne pouvais plus rien contrôler. Le sommeil s'était imposé sans crier garder et malgré mon envie d'en savoir plus sur lui, je ne pu plus lutter. Je sentis quelque chose m'entourer... Son bras peut-être. Bien trop vite, je ne fus plus en mesure de réfléchir et m'endormis, bercée par le silence. C'était tellement bon de ne pas s'endormir avec des reproches en bruit de fond.

**

J'ouvris les yeux, d'un coup, d'un seul. J'avais la bouche pâteuse et les yeux humides. Je tâtai mon nez : tout allait beaucoup mieux. Tout mis à part que je m'étais endormie sur mon épaule droite où j'avais un bleu - qui devait recouvrir le quart de celle-ci. Je maugréai une insulte et me redressai avant de me lever, chancelante. La tête me tourna un peu et je battis des cils pour garder l'équilibre. La pièce était vide. Je m'étais levée pour aller jusqu'à la fenêtre et un frisson d'horreur me saisit quand mon regard se perdit dans la nuit d'encre, dehors. Je portai ma main à ma bouche, cachant ma surprise. J'étais horrifiée. Angoissée. Et pire encore... Tétanisée. Il fallait que je rentre et je me serais précipitée chez moi si les mots que Peter avait prononcé je ne savais combien de temps avant que je me retrouve ici ne me percutent. « Tu vas déguster, Chérie-Silence ».

Je me mordis les lèvres avec force. Ça pour déguster, j'allais déguster... Prise de panique, je cherchais mon T-Shirt et l'échangeais contre celui de Thomas que je portais. Il était plein de sang, mais tant pis. Il le serait encore plus quand je serais rentrée - et cette conclusion me retourna l'estomac. Je pris mon sac, enfilai mes talons et me dirigeai vers la sortie. Sauf que je me heurtai à un mur en voulant sortir de la chambre. Enfin, non, ce n'était pas un mur... Plutôt un homme qui me dépassait d'une bonne tête et demi malgré le fait qu'il soit plus jeune que moi... Thomas, quoi.

23 heures . J'ouvre la porte, après être aller finir l'inventaire. Quelque chose me heurte et recule d'au moins trois pas. C'est Cherry. Pendant un instant, j'ai eu peur que le mec soit revenu lui faire mal...

J'allume la lumière, et croise son regard paniqué. Panique qui,rapidement, se propage en moi.Je ne vois pas pourquoi elle panique ainsi.. Qu'est-ce qu'elle a?

Ses yeux s'emplissent de larmes, alors qu'elle essait de passer. Mais je lui bloque le chemin. Je ne la laisserai pas courir après sa douleur, c'est totalement exclu.

- Qu'est-ce qu'il y a?

Je sursautai à l'entente de sa voix qui me sembla plus grave qu'à l'habitude. Je ne savais pas pourquoi, mais je pleurais comme une gamine. J'essayai d'avancer ; c'était totalement inutile ! C'était comme se battre contre un mur.

- Il faut que je rentre.

Même si je n'en n'ai pas envie. Il fallait que je rentre, maintenant. J'ignorai l'heure qu'il était, en fait je ne voulais pas le savoir, chaque heure en plus serait une dizaine de coups supplémentaires. Il devait fulminer de rage. S'il avait bu, ce serait encore plus violent... Je fermai les yeux sur d'horribles images, celles que je connaîtrais bientôt... si j'arrivais à passer.

- Il va me tuer...

Ou presque.

- Je t'en prie, Thomas, il faut que je rentre ! sanglotai-je (encore).

Il le fallait vraiment, j'ignorai cette petite voix qui me clamait de rester ici, en sécurité. À quoi bon ? Il finirait par me retrouver.

Et là, sa crise éclate. Ses petits poings s'abbattent sur mon torse, mais je ne bouge pas pour autant. Ses larmes deviennent des sanglots. La panique la rend hystérique. La peur la rend folle. J'encaisse les coups sans broncher, sans bouger. Je ferme les yeux. Vide toi le coeur, petite fleur...

Je profite du fait qu'elle s'essoufle pour la prendre dans mes bras, l'immobilisant en même temps. Elle essait de se dégager, mais rien n'y fait et elle abandonne bien vite la partie. D'un coup de pied, je referme la porte.

-Je ne laisserai plus personne te faire mal!

Ce fut presque un hurlement. Une plainte déchirante qui m'a carrément saigné le coeur. Je ne m'écarterai pas. Elle n'a qu'à me dire son nom et bientôt, elle sera libre.

Mais pourquoi s'acharnait-il ?! Ça me rendait dingue et toute la souffrance, la haine, le désespoir qui s'étaient accumulées depuis des années lui retombèrent dessus. Il m'emprisonna de ses bras forts et je ne trouvais plus la force de lutter. Je blottis mon visage noyé de chagrin dans son cou, incapable de faire autre chose. Doucement, mes mains se maintinrent à ses épaules. Je ne comprenais plus rien, ni pourquoi je réagissais de cette façon, encore moins pourquoi lui se préoccupait autant de moi.

- Je... suis... désolée, arrivai-je à prononcer.

C'étaient les seuls mots que j'étais capable de prononcer. Je les avais prononcés maintes et maintes fois, si bien qu'ils me venaient naturellement. Je ne voulais pas lui causer de problèmes, je ne voulais pas qu'il s'occupe de moi, je ne voulais pas me sentir si faible... J'en étais tellement désolée.

-Cesse de dire ces mots. Je suis sûr que tu les as dit trop de fois, petite fleur...

Je sens ses larmes dévaler la pente de mon cou, et imprégner le tissu de mon t-shirt. Ma peau se couvre de frissons à ce contact plus qu'humain. Ma main vient caresser ses cheveux, et je referme les yeux. Elle s'abandonne carrément dans mes bras , et je sens déjà un lien de confiance s'insinué entre nous.

-Et je te jure que tu n'auras plus à les prononcer...

Ma voix n'est plus que murmure, mais je sais qu'elle m'e entendu. D'un geste lent, mais ferme, je la fais se recoucher sur le lit, et je la borde de nouveau sans trop penser à mes actes. Je me couche près d'elle, place un de mes bras autour de sa taille, à l'extérieur des couvertures.

- Je crois que tu as toujours besoin de récupéré. Dors, petite fleur, je veillerai sur toi, d'accord?

Dès lors que je m'étais arrêtée de pleurer, je levai les yeux et posai ma tête sur son torse, contact tellement rassurant. Je ne faisais pas trop attention à mes gestes. Je m'étonnai moi-même, d'ailleurs, à être si proche de quelqu'un sans en avoir peur, sans craindre qu'il me frappe. Je me sentais toute petite par rapport à lui... Comme une enfant.

- Non... J'ai pas envie de dormir, répondis-je en fronçant les sourcils, la voix enrouée de tristesse. On pourrait parler, proposai-je.

-Du moment que tu te reposes, d'accord. De quoi veux-tu parler?

De mon côté, je ferme les yeux. Juste pour me reposer moi aussi. Mais je les rouvre bien vite, attaquer par des images que j'aimerais que trop oublier. Des images qui me hanteront toute ma vie.

Je me raidis, elle s'en est sûrement rendu compte mais elle ne pose pas de question. Je lui en suis reconnaissant. Il y a des souvenirs qu'on aimerait effacer. Et si j'en parle ça ne serait qu'encore pire.

Je me doutais que je ne devais pas être la seule tourmentée dans cette pièce. Seulement, sous sa raideur soudaine, je me crispais moi aussi, mes mains serraient son T-Shirt, tendues. M'en rendant compte, je lâchai le tissus avec gêne, me mordis les lèvres. « Cherry, pourquoi t'es aussi conne ? » me cria Tom dans mon imaginaire.

- Eh bien... Je ne sais pas. De toi. De moi.

Sans entrer bien sûr dans les détails. Sans parler du passé, ou juste superficiellement. Pas de choses qui blessent, ni qui ramènent les souvenirs. Une conversation banale... Chose que je n'avais pas eue depuis... Oh, très longtemps !

- Juste comme ça... Sans prendre en compte ton histoire, ni la mienne. Par exemple... Quel âge as-tu ?

- J'ai dix-sept ans. Je vais avoir dix-huit bougies au commencement de l'hiver. Et toi ?

Oui. Une conversation qui ne tourne pas autour des souvenirs, des sentiments et du passé. Du superficiel comme tous les gens normaux. Parce que non, nous ne sommes pas normal. Du moins, moi non. Elle, elle a encore une chance de s'en sortir. Les soucis peuvent disparaître de sa vie. Moi, les tourments me guettent et me traquent, même quand je ferme les yeux. Et ce, jusqu'à la fin de mon histoire.

- Dix-neuf, souris-je avec une froideur incontrôlée.

Et trois années de violence, deux ans avec Mack, un avec Tom. Le temps passait si lentement, j'avais l'impression que des années s'étaient écoulées depuis mon mariage.

- Je me suis mariée à seize ans, ris-je. Je ne le conseille à personne, ajoutai-je avec un autre rire factice.

En même temps, à qui ça viendrait à l'idée de se marier si jeune ? Je haussai les épaules. Tom aussi finirait par m'épouser, il m'aimait réellement. Je ne dirais pas non, incapable de le vexer. C'était lui ou la rue et tant qu'à faire je préférai Tom, alors une vie entière avec, franchement, quelle importance ? Plutôt avoir un toit et des coups qu'une ruelle et le froid.

Quoique...